HRP:

Il ne pensait pas qu'on viendrait le déranger à un moment pareil. Il avait passé la nuit à ramasser les morceaux de son portable éclaté et quand il en avait fini alors il était allé s'en acheter un autre. Takuya venait à peine de rentrer quand il entendit un poing s'abattre contre la porte.
C'était une façon de cogner typiquement féminine, d'ailleurs. Il eut un bref soupir, son regard lassé dissimulé derrière ses mèches violacées. Il fit un pas ou deux vers la porte ─ pour lui c'était tout sauf un effort de passer du living au hall d'entrée avec les jambes qu'il se traînait.

« Hai hai. Une minute. » dit-il en tournant la poignée après avoir retiré tous les verrous. Il allait chasser cette personne, mais quand il vit de qui il s'agissait, ses yeux devinrent ronds. Elle ne devait pas être là. Pas maintenant. Il songeait ─ bien malgré lui ─ aux bouteilles qui ornaient le tapis, aux magazines de sport qui n'avaient pas bougés de dessous le meuble du téléviseur. Il avait aussi en tête les draps étalés sur le sol, les mégots de cigarette et.

La réaction la plus naturelle qu'il eut s'avéra de la regarder, de daigner ne pas la reconnaître, et de refermer la porte avec lenteur afin de se libérer de ce fantôme qui venait de se présenter devant lui. La gorge sèche, il vint se masser le sommet du crâne et ─ déboussolé ─ se retourna pour récupérer le sac de courses qui traînait sur la table à l'entrée de l'appartement. « ... » Ses mains glissèrent et s'appuyèrent durement contre la table alors que le poids des remords lui pesait sur les épaules.

Quand elle le vit, la jeune fille sentit son cœur bondir, elle allait lui souhaiter un joyeux anniversaire quand la porte se referma, comme ça devant elle. « Ano… » Elle regarda la porte close puis cligna des yeux en ne comprenant pas pourquoi il faisait ça. En temps normal, il aurait été heureux de la voir, le même bonheur qu’elle ressentait … Mais même pas. Elle leva la main de nouveau en s’apprêtant à cogner de nouveau, mais elle repensa aux paroles du jeune homme qui était un pote à son frère ‘bonne chance’. Pourquoi il lui avait dit cela… Est-ce que son frère allait mal ?

Elle savait qu’Irina grimaça dès qu’elle demandait comment allait Takuya. Elle voyait les larmes dans les yeux de sa mère quand elle parlait toute heureuse de son grand-frère, mais n’avait jamais compris et avait toujours mis cela sur la faute qu’ils ne le voyaient que très rarement. Elle s’humecta les lèvres un moment, puis cogna de nouveau.

« Onii-san … » Tenta-t-elle doucement. Mais elle voyait bien qu’il ne voulait pas répondre. Dans un soupire, elle baissa la tête. « Joyeux anniversaire… Onii-san … » Dit-elle assez fort pour qu’il puisse l’entendre, puis elle tourna les talons dans un bruit d’escaliers en métal qui sonnait en écho, signe qu’elle quittait l’endroit.
 

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Il pensait qu'elle était partie et il songea que c'était mieux comme ça, mais elle s'exprima à nouveau en cognant à la porte. Elle lui souhaitait un ... joyeux ... anniversaire ... ? Il déglutit avec peine tandis qu'il faisait le lien entre le fait qu'elle se souvienne encore de son anniversaire et sa présence devant la porte d'entrée de son appartement. Non seulement quelqu'un lui avait parlé, mais en plus elle avait fait tout ce chemin de l'école jusqu'ici pour lui dire bonjour.

Ses crétins de parents n'avaient-ils toujours pas prévenus Fawn de ce que son frère était devenu ? Il trouvait ça encore plus difficile parce qu'elle devrait découvrir d'elle-même ce qui s'était passé et il ne ressentait aucune envie de vivre une telle chose. C'est pourquoi il hésita à sortir. Une part de lui avait vraiment envie de la voir, par contre.

Il se dirigea vers la porte et l'ouvrit afin de rejoindre la cage d'escalier. « Fawn ! » lâcha-t-il d'une voix assez forte pour qu'elle l'entende et le remarque. Enfin, il était difficile de ne pas le remarquer : lui qui faisait deux mètres et qui avait du mal à tenir même quand les plafonds n'étaient pas si bas. Il attendit qu'elle le regarde et détourna le regard. « Merci. »

Elle allait disparaître quand elle entendit son prénom hurler avec la voix puissante de son frère, un peu le même timbre de voix que son père, mais beaucoup plus féroce. Elle eut un sursaut, tournant les talons et la tête vers celui-ci, les cheveux fouettant l’air. Elle le regarda un moment en clignant des yeux, elle avait de la peine. Beaucoup de peine, parce qu’elle aurait voulu le voir et le prendre dans ses bras. Bon, lui faire un câlin quoi. Mais son frère ne semblait pas vouloir de ça. Peut-être que finalement … elle n’était plus rien à ses yeux. Et pourtant, elle l’aimait tellement.

« Daisuki desu … Taku-kun … » Elle lui avait dit cela avec un sourire tendre, mais crisper. Elle lui avait dit cela avec une boule dans la gorge et une envie de pleurer. Pourquoi il ne voulait pas la voir ? Pourquoi est-ce qu’il était aussi distant ? Elle savait qu’Irina ne voulait plus parler avec Takuya, elle avait entendu maman et elle se prendre la tête avec cette histoire. Mais elle ne connaissait aucunement les raisons.

Tant pis, elle abandonnait. Elle ne voulait pas que son frère la déteste et ne voulait pas non plus être dans son chemin. Il était peut-être revenu ici pour quelqu’un d’autre au final. Elle tourna donc les talons en prenant son portable, puis envoya un message texte à son amoureux, ayant besoin d’entendre des mots réconfortant. Était-elle lâche ? Était-elle trop faible en ce moment pour tenir tête à son frère?

Elle soupira doucement puis s’installa sur le banc, attendant que le bus arrive.  
 

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Il était toujours au sommet de l'escalier ─ le bruit incessant des marches ne semblait pas vouloir disparaître. C'était comme s'il lui heurtait les tympans encore davantage maintenant que sa sœur était à quelques mètres de lui. Il avala sa salive avec lenteur tandis qu'elle lui disait ces mots-là. Les mêmes que quand ils étaient gosses.

Il aurait voulut lui répondre, mais beaucoup de choses avaient changées depuis la dernière fois où ils s'étaient vus. C'était juste avant le tournoi de Basketball dans lequel il avait fait le test de dépistage. Il avait commencé la drogue quelques temps après avoir vu Fawn une dernière fois.

À l'époque, tout lui semblait si injuste et maintenant il ne savait même plus ce qui l'avait poussé à devenir l'homme qu'il était aujourd'hui. Il savait qu'elle ne comptait pas rester et c'était logique. Après tout, il l'avait rejetée. Il n'avait même pas eu besoin de parler qu'elle s'était sentie éconduite. « Merde ... » lâcha-t-il en donnant un coup de poing contre la rambarde située à sa gauche.

Il descendit jusqu'au hall et regarda par la fenêtre. Elle était assise sur le banc et attendait son bus. Il pouvait voir ses cheveux battre l'air : elle ressemblait beaucoup à Irina, mais son visage n'exprimait pas les mêmes choses. Elle était moins dure, moins distante. « Pourquoi fallait que tu viennes aujourd'hui ? » maugréa-t-il entre ses dents. Comme si une autre journée aurait été différente.

Il se passa une main sur le visage et remonta à son appartement pour noter son numéro de portable sur le post-it qu'il colla ensuite sur l'épaule de Fawn après qu'il l'eut rejointe sur le pavé. « Gardes-le. Je t'en prie. » dit-il avant de tourner les talons une fois de plus en direction de l'immeuble. Il ne faisait pas froid et pourtant il ne cessait de frissonner.

Tellement de questions dans sa tête en ce moment. Fawn cherchait à comprendre ce qu’elle avait fait pour que son frère refuse réellement de la voir. Est-ce que c’était parce qu’elle ne venait jamais quand il allait chez papa et maman ? Est-ce que c’est parce qu’elle n’avait rien dit quand la dispute avec Irina eut lieu ? Elle n’avait pas été présente et ignorait tout de l’histoire, mais peut-être que Takuya aurait voulu qu’elle soit présente et parle aux autres? C’était tellement flou dans sa tête en ce moment, tellement flou dans sa vision des choses. Son cœur ne cessait de se tordre depuis tout à l’heure, depuis le moment où il avait refermé la porte en semblant tellement indifférent … Elle lui avait dit qu’elle l’aimait, mais il n’avait même pas répondu, non plus. C’était difficile de faire face à quelque chose, quand on ne le comprenait pas.

Le vent souffla un moment et ses mèches de cheveux volèrent dans tous les sens, si bien qu’elle les replaça au moment même où Takuya revint en collant un post-it sur son épaule. Elle sursauta en tournant la tête vers son aîné, clignant des yeux. Garde-le, s’il te plait.  Et il repartait comme ça. La jeune fille serra les poings en regardant le dos de son frère, elle sentait la colère l’envahir et la peine aussi. « Je pensais que tu serais content de me voir … » Dit-elle difficilement, parce qu’elle avait envie de le voir, parce qu’elle y avait réellement cru.

Mais au final. « Je te déteste …. Pourquoi tu me détestes … Pourquoi tu ne veux pas me voir ? Qu’est-ce que j’ai fais ? » Elle hurlait maintenant, elle hurlait parce qu’elle souffrait et avait cette impression d’avoir le cœur au niveau de la gorge. Elle serrait les poings de plus en plus forts et se mordit la lèvre au point de blesser celle-ci. Mais tant pis, le bus s’arrêta près d’elle et dans un dernier regard vers son frère, elle tourna les talons et monta dans celui-ci, payant en ayant jeté le papier sur le banc. Il ne voulait plus la voir, pourquoi il garderait ce papier. Elle s’enfonça au fond du bus, puis fondit en larme, détournant le regard de son frère le temps que le bus passe près de lui.  

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Elle le rejetait à son tour. Bien sûr, il savait que sa réaction passait pour du rejet, mais il avait été tellement surprit de la voir là. En fait, depuis le début, il avait cru qu'elle disparaîtrait de sa vie et qu'il devrait tout simplement se retrouver seul avec lui-même. Il pensait que ses parents endoctrineraient Fawn et qu'il ne pourrait pas lui demander de l'aide si facilement.

Maintenant qu'il y pensait. Il avait paniqué. Son expression dissimulée derrière quelques mèches, Takuya tendit la main et saisit le post-it qu'elle avait laissée tomber en quittant par le premier bus. Il observa le moyen de transport partir et retourna à l'intérieur de son appartement.

Autant noyer cette peine dans l'alcool.